16.11.09

récurrence

Nous sommes lundi après-midi, je suis au bureau. Je vaque à mes occupations, rien d'urgent. Journée banale, correcte.
Et voilà que depuis une heure je panique, je sens l'étau de la peur enserrer mon coeur: il me semble que j'ai encore des leucorrhées suspectes. Ça ne sent ni le yogourt, ni la levure, ça ne sent absolument rien. Lorsque je regarde la substance de près, je vois des petits flocons blancs baignant dans un liquide crémeux, couleur coquille d'œuf.

Je sens une brûlure et une sensation liquide à l'intérieur de moi, mais ce n'est pas le liquide qui brûle, c'est la peau. Je sens une éponge gorgée d'eau laisser s'écouler un peu de liquide à chacun de mes mouvements. C'est pour moi une sensation très désagréable qui me fait peur. Je bouge moins vite, pour moins sentir la présence visqueuse de cette substance dans mon intimité. La brûlure qui contient le fluide malsain, ruisselant, a sa vie propre en moi, échappe à mon contrôle, prend les commandes de ma vie.
C'est arrivé à l'heure du dîner, brusquement, après que je sois passée aux toilettes me rafraîchir.

J'ai toujours été impressionnée par la brutale rapidité d'apparition des douleurs et autres signes de cette région occupée. Je suis bien, et tout à coup c'est le feu, l'eau, l'air dans les profondeurs de ma féminité.

Je me demande si mes exquises baignades à la piscine de l'hôtel où je suis allée cette fin de semaine n'ont pas altéré ma flore vaginale. Pourtant, j'ai pris toutes mes précautions: douche et séchage rapide dès la fin de mes ablutions.

Que de soucis, d'inquiétudes, de questionnements. Tellement futile dans le fond. La douleur du corps. Rien d'excitant là-dedans, pas de quoi en faire un fromage. Pas de quoi écrire dans un blog dans le détail des choses si répugnantes pour le commun des mortels. Pourtant, je le fais. Je le fais parce que j'en ai réellement besoin si je ne veux pas sombrer dans la folie et le sentiment de n'être pas normale, d'avoir quelque chose d'horrible entre les jambes que personne n'est vraiment capable d'identifier. De ne plus avoir l'espoir que cela cesse. Je le fais parce qu'il faut que je fasse quelque chose.

Cette semaine, à l'abri derrière le confort de mon corps parfaitement fonctionnel, je me disais: ce blog doit sembler une drôle de farce pour quelqu'un qui ne souffre pas dans son intimité et qui n'a pas touché le fond de l'impuissance.
Si cela allait mieux, je trouverais l'exercice futile, mais je ne vais pas mieux, donc je continue, en espérant qu'au gré des jours je puisse toucher des femmes qui souffrent aussi et qui n'ont pas vraiment personne à qui parler. C'est quand même tabou ces trucs-là. Je reste dans l'anonymat de la grande toile virtuelle.

J'ai téléphoné à la clinique médicale où j'ai passé mon dernier test le 21 octobre dernier et où on m'a prescrit du Fluconazole et du Terazol (des antifongiques), que j'ai religieusement pris mais avec beaucoup de réticences. Craintes de la récurrence des symptômes. Lors de cette visite, l'infirmière m'a dit qu'on me rappellerait si les résultats du prélèvement ne révélaient pas une candidose vulvo-vaginale comme le médecin l'avait perçu. On ne m'a pas rappelée. Aujourd'hui, je tiens à vérifier si une candidose a bel et bien été diagnostiquée et rien d'autre.

J'attends toujours l'appel de la clinique. Clinique froide, où je ne suis qu'un numéro. La réceptionniste débordée va consulter rapidement mon rapport médical et oublier de me rappeler. Je déteste être à la merci d'un système où je me sens démunie et complètement insignifiante. Où une vaginite n'est rien. C'est vrai que ce n'est rien. Mais Dieu seul sait à quel point cette condition est affligeante lorsque elle est pratiquement rendue chronique.

Penser à cela lorsque des clients inquiets me téléphonent au bureau:


"Ne pas faire subir aux autres ce qui m'afflige
et qu'on m'inflige: l'indifférence".


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